L'impasse des musées
C’est dans la rue que risquent de se retrouver bon nombre d’institutions muséales du Québec si rien ne bouge du côté du gouvernement provincial et plus précisément du ministère de la Culture et des Communications. Voilà les conclusions auxquelles la Société des musées québécois (SMQ) arrive suite à un sondage réalisé récemment auprès de ses membres. Devant cet inquiétant constat, la SMQ a choisi d’exprimer de façon symbolique ses inquiétudes et son impatience... à l’angle des rues Ontario et St-Christophe, à Montréal.
Lors d’une conférence de presse « hors les murs », Carl Johnson, le président de la SMQ, et la comédienne Bianca Gervais, porte-parole de la campagne, ont ainsi « rebaptisé », l’espace d’un jour, le cul-de-sac constitué par le segment nord de la rue St-Christophe. Pour les besoins de la cause, ce cul-de-sac est donc devenu l'« Impasse des musées ».
L’Impasse des musées, au-delà du calembour urbain, c’est le cri du coeur de centaines de gestionnaires et de professionnels du milieu qui, depuis près d’une décennie, voient la situation financière des musées se détériorer graduellement.
En mars dernier, la SMQ lançait un message sans équivoque au Premier ministre Jean Charest et à son gouvernement par le biais d’une campagne de sensibilisation ayant pour slogan « Pour que les musées restent vivants / Contre le sous-financement des musées ». Depuis, rien n’a vraiment changé. Ni le budget Séguin ni le plan de modernisation présenté par la ministre Monique Jérôme-Forget le 5 mai dernier, incluant la constitution d’un Bureau national des musées, ne permettent d’envisager, pour le moment du moins, des jours meilleurs pour les musées, centres d’exposition et lieux d’interprétation. Devant cette impasse, les professionnels du milieu, ces travailleurs acharnés qui oeuvrent dans une précarité de plus en plus menaçante à la conservation et à la diffusion de notre mémoire collective, ont grand peine à retenir leur exaspération.
Se faire entendre... se faire comprendre
L’urgence de se faire entendre par le gouvernement actuel est d’autant plus évidente qu’il semble y avoir actuellement méprise sur l’importance du rôle des institutions muséales sur le plan de la dynamique culturelle du Québec. Les efforts déployés jusqu’à présent par la ministre Line Beauchamp ont porté avant tout sur l’amélioration des conditions économiques des créateurs. La SMQ ne peut que se réjouir qu’une telle démarche soit entreprise; aussi appuie-t-elle la Ministre en ce sens. Par contre, l’organisme ne peut passer sous silence son appréhension à l’effet qu’une telle démarche mette en veilleuse un pan majeur de la culture québécoise : celui des institutions vouées à la préservation et à la diffusion du patrimoine d’hier et d’aujourd’hui, qu’il soit artistique, archivistique, architectural, tangible ou intangible.
La culture ne pouvant se réduire qu’à la création, la SMQ souhaite recevoir un signal sans équivoque sur la volonté de la ministre de la Culture et des Communications à l’effet qu’elle partage cet énoncé et qu’elle entend soutenir avec la même ardeur l’ensemble du secteur culturel.
Un sondage qui en dit long
Dans sa volonté de poursuivre et de nourrir les échanges avec le ministère de la Culture et des Communications, la SMQ a procédé récemment à un sondage éclair auprès de ses membres institutionnels. Au-delà de 120 institutions à travers toutes les régions du Québec ont répondu avec empressement à l’appel. Les informations qui ressortent de cette opération témoignent du degré de préoccupation qui sévit actuellement dans les musées. Ainsi, en ce qui concerne la question des ressources humaines, plus de 79 % des répondants estiment que si leur institution ne reçoit aucune aide au fonctionnement ou aucune augmentation du support actuel, pour celles qui en reçoivent, cette situation risquera d’entraîner de grandes ou de très grandes incidences à court terme. Plus précisément, les répondants indiquent la possibilité de coupures de postes ou de non renouvellement de postes réguliers, de mises à pied temporaires, de dégradation de conditions de travail déjà jugées insuffisantes, la diminution de contrats alloués à des consultants ou des firmes, bref l’absence de possibilité de développement cohérent et stable en ressources humaines.
Si la question des ressources humaines préoccupe en premier lieu les gestionnaires de musées, c’est aussi qu’elle intervient sur l’accessibilité même de ces équipements culturels auprès de la population et des visiteurs de passage au Québec. Ainsi, lorsque l’on pose aux dirigeants de musées la question, à savoir quelle serait l’incidence sur le niveau de difficulté auquel ferait face leur institution en ce qui a trait à l’accessibilité à leurs espaces publics, si l’aide accordée par le gouvernement demeure la même, 67 % des répondants considèrent que cette incidence serait grande ou très grande. En langage clair, nous parlons de possibilité de fermeture pour une période indéterminée, de réduction des mois, des jours, des heures d’accessibilité au public, d’augmentation des frais d’admission et autres.
En fait, le sondage révèle clairement que c’est l’ensemble de l’accomplissement de la mission des institutions muséales qui est menacé par le statu quo sur l’aide au fonctionnement des musées. Des exemples? Alors que 83 répondants sur 122 considèrent qu’un tel statu quo entraînera des difficultés accrues à maintenir l’équilibre financier de leur musée, 47 % d’entre eux devront possiblement réduire leur programmation annuelle d’expositions, encore davantage devront réduire leurs programmes d’activités éducatives et culturelles. Les fonctions reliées à la conservation, à la recherche et aux collections risquent également, selon 53 % des répondants, de subir des contrecoups importants.
Situation paradoxale
La situation des musées québécois n’en est pas à un paradoxe près. C’est ce qui se dégage également de la toute dernière évaluation nationale réalisée par un comité de pairs après l’examen de l’état de santé des quelque 189 institutions muséales reconnues par le ministère de la Culture et des Communications. Le rapport du comité mentionne les avancées remarquables du réseau muséal du Québec malgré un contexte déstabilisant et des difficultés récurrentes. Il est question de la grande fragilité d’un réseau qui malgré tout performe de façon éloquente. Faut-il rappeler que 12,4 M de visites ont été réalisées dans les musées québécois durant la seule année 2003?
La SMQ qui regroupe 275 institutions muséales et quelque 600 membres individuels réitère expressément sa demande à la ministre Beauchamp de prendre en compte les besoins réels du milieu muséal. À cet égard, la SMQ offre de mettre à la disposition de la ministre son expertise et l’intelligence de son membership en vue de trouver les solutions réelles qui permettraient l’abolition de l’impasse actuelle des musées.
Dernière heure
La Société des musées québécois recevait, à la veille de la publication de ce communiqué, une réponse de la ministre Line Beauchamp qui accepte l’offre de collaboration présentée par la SMQ de travailler avec le Ministère à l’amélioration du mode de soutien aux institutions muséales. Cela devrait s’effectuer dans les prochaines semaines puisque, selon les mots de la ministre, « l’année qui s’amorce en sera une de profonde réflexion sur le sujet ». Carl Johnson, président de la SMQ, reçoit ce message avec satisfaction, considérant que même si pour l’instant le problème reste entier, l’ouverture de la ministre pourrait faire toute la différence.
La SMQ annonce donc qu’elle est à nouveau prête à consacrer temps et énergie avec le nouveau Bureau national des musées dans le but de trouver les meilleures solutions pour dénouer l’impasse actuelle à laquelle font face les musées du Québec.
Source :
Société des musées québécois
Michel Perron, directeur général
Téléphone : (514) 987-3264
Courriel : perron_m@smq.qc.ca
Relations média :
Catherine Corne, CCCP
Téléphone : (514) 849-0760 – Cellulaire : (514) 993-2109
Courriel : ccorne@cccp-pr.com
Patrick Lesort, Hors Cadre
Téléphone : (514) 284-6287
Courriel : plesort@horscadre.ca
– 30 –